Ocean Synapse
Driaan est le sculpteur derrière Reticence Studio. Son travail explore la relation entre la forme, l’espace et l’émotion. Pour ce projet, Durst Art Consultancy l’a invité à transformer une vision ambitieuse en sculptures monumentales, où chaque détail dialogue avec l’espace et ses spectateurs.
Dans cette interview, il revient sur son processus créatif, les défis qu’il a rencontrés et ce qu’il cherche à transmettre à travers son art. Un aperçu unique de l’univers d’un artiste capable de donner vie à l’intention et à l’émotion par la matière.
Pourriez-vous vous présenter et expliquer comment votre pratique artistique a commencé ? Qu’est-ce qui vous a d’abord attiré vers l’art, et qui ou quoi a inspiré vos premières créations ?
Je m’appelle Driaan. Je suis artiste, sculpteur et designer, basé à Cape Town, en Afrique du Sud.
Je travaille avec une grande variété de matériaux éclectiques et j’ai lancé ma pratique artistique en 2014. Formé en animation 3D, je combine des méthodes traditionnelles et des technologies avancées pour créer des sculptures élaborées et complexes destinées à des clients de différents secteurs.
Mon travail s’inspire principalement de l’esprit humain, en particulier des thèmes liés à l’anxiété et à la dépression. Ces expériences constituent une source majeure d’inspiration pour moi. Chaque processus ou transformation personnelle que je traverse devient un véritable tournant dans ma pratique artistique et ma carrière.
Comment est née l’idée de ces sculptures ? Qu’est-ce qui vous a inspiré dans notre brief et comment avez-vous abordé ce travail ?
Ce qui a immédiatement attiré mon attention, c’était le thème de l’océan et le fait que la structure du bâtiment ressemblait à un navire ou à un paquebot.
À partir de là, j’ai rapidement commencé à réfléchir à la manière d’abstraire ces idées. J’ai imaginé la planète comme une métaphore de l’esprit, et la nature comme les voies neuronales qui se déploient à sa surface, reflétant le fonctionnement de notre cerveau.
Mon travail explore souvent ces connexions neuronales. Dans des projets précédents, j’ai expérimenté l’électrolyse pour faire croître des cristaux de cuivre au sein de structures en céramique. Ce processus produisait naturellement des formations évoquant le corail, ce qui semblait parfaitement adapté à ce projet.
Le défi suivant était de passer de cette petite croissance organique à une échelle d’environ trois mètres. Nous avons donc décidé de sculpter les formes, avant de les soumettre au processus de fonte en bronze, de patine et de finition, afin de garantir que l’œuvre s’harmonise avec son environnement.
Comment ce projet s’inscrit-il dans votre parcours artistique plus large ?
La nature et l’esprit sont des métaphores interchangeables dans mon travail. Je considère la personne comme une extension du monde qui nous entoure.
Faire référence au corail m’a permis d’explorer les voies neuronales de l’esprit tout en travaillant à grande échelle, ce vers quoi je suis de plus en plus attiré.
Je souhaite que les spectateurs s’engagent physiquement et émotionnellement avec l’œuvre, comme si elle servait de pont vers leur monde intérieur. Les sculptures deviennent un point d’entrée à la réflexion sur soi, une manière de se questionner sur la fréquence à laquelle nous interagissons réellement avec notre esprit conscient et inconscient.
Avez-vous rencontré des défis techniques ou créatifs que vous avez dû surmonter ?
Le principal défi provenait de la complexité des formes. La fonte traditionnelle du bronze a ses avantages, mais comporte aussi de nombreuses limites, surtout lorsqu’il s’agit de structures complexes inspirées du corail ou des neurones.
Nous avons dû réaliser environ 100 à 150 moules distincts. Chacun a été coulé en cire, puis traité en céramique, fondu, et enfin coulé en bronze. Les différents éléments ont ensuite été assemblés par soudure, une tâche colossale impliquant une grande équipe et un flux de travail très coordonné.
Une communication claire était essentielle à chaque étape, afin que chacun comprenne comment sa partie s’articulait avec la suivante, garantissant ainsi une pièce finale homogène et parfaitement unifiée.
Ce projet vous a-t-il poussé à expérimenter de nouvelles techniques ou de nouveaux matériaux ?
Absolument. L’un des principaux axes d’expérimentation a été la couleur.
Comme nous voulions évoquer le corail, les patines traditionnelles seules ne suffisaient pas. Nous avons testé différentes approches avant de nous décider pour des peintures automobiles combinées à un gravage à l’acide, ce qui permettait à la couleur de se fixer subtilement sur le métal.
Nous avons équilibré cela avec des surfaces en bronze poli et des zones traitées au nitrate d’argent, créant une palette à trois tons tout en restant cohérente.
Ce processus a exigé précision, masquage et de nombreux essais, mais au final, les résultats ont été extrêmement gratifiants.
Comment parvenez-vous généralement à concilier votre vision artistique personnelle avec les attentes d’une commande ?
La plupart de mon travail est abstrait et basé sur des motifs.
Lorsque l’on réduit les motifs à leurs structures fondamentales, ils laissent naturellement place à l’interprétation. Cela facilite l’intégration des idées d’un client sans perdre ma propre voix.
Par exemple, bien que ce projet fasse référence à la croissance du corail, pour moi, il symbolise également l’esprit, la manière dont les voies neuronales et les synapses se connectent.
Tant que je peux rester dans un cadre abstrait, j’aime réinterpréter les briefs de manière collaborative. Il s’agit de trouver une harmonie entre ma vision artistique et les objectifs du client, afin que les deux parties se sentent inspirées et pleinement investies dans le résultat.
En quoi cette œuvre se rapproche-t-elle de vos créations précédentes, ou marque-t-elle un tournant dans votre travail ?
Cette pièce est étroitement liée à ma série SSRI, qui explore la nouvelle croissance au sein d’anciens chemins, un concept que j’ai développé au cours d’environ dix années de travail sur la croissance de cristaux de cuivre.
Cette série consistait à combiner le cuivre et la céramique, deux matériaux très différents, afin de créer des interactions organiques entre eux.
L’expérience acquise en travaillant sur ces pièces plus petites et complexes a directement influencé ma manière d’aborder ce projet à grande échelle.
Quelles émotions ou réflexions aimeriez-vous que le public éprouve en découvrant votre travail ?
Je souhaite que les spectateurs vivent une expérience ouverte et personnelle.
C’est pourquoi je travaille avec l’abstraction : elle invite à l’interprétation à travers la texture, la forme, les motifs et la couleur, sans imposer de récit précis.
Mon objectif ultime est de susciter un sentiment de paix. La beauté, pour moi, est un langage universel. Elle aide les gens à baisser leurs défenses et à entrer dans une réflexion intérieure calme.
Si mon travail peut offrir un moment de quiétude, un sentiment de calme et de conscience intérieure, alors il a atteint son objectif.
Si vous deviez décrire ce projet en trois mots, lesquels choisiriez-vous ?
Révolutionnaire, stimulant et profondément gratifiant.
À l’avenir, comment cette collaboration pourrait-elle influencer vos prochains projets ?
Ce projet m’a beaucoup appris sur la collaboration, la communication, la confiance et la pensée à grande échelle.
À ce niveau, les choses peuvent très bien se passer ou mal tourner, d’où l’importance de maintenir un équilibre et de gérer les attentes.
Elle m’a donné une nouvelle confiance pour entreprendre des œuvres de plus grande envergure. Depuis, j’ai déjà commencé plusieurs projets à grande échelle. Cela a changé ma manière de concevoir ma pratique : les pièces plus petites ressemblent désormais presque à des maquettes pour quelque chose de plus vaste.
Cette expérience a véritablement élargi ma vision et renforcé le plaisir que je prends à créer de l’art.
Découvrez le projet dans son intégralité here